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Évaluation scolaire : la constante macabre

L’évaluation est au centre du système scolaire français, et de façon encore plus élargie au centre du système de recrutement français.

André Antibi denonce un cercle vicieux qu’il nomme la constante macabre.

Qu’est-ce que la Constante macabre ?

André Antibi, enseignant et chercheur en didactique met en lumière un phénomène produit lors de la notation aux examens. Il démontre que lors d’une évaluation, la proportion de mauvaises notes est toujours la même. Et que ceci est observable quel que soit le sujet de l’examen et peu importe le correcteur. Son analyse atteste que cette spécificité est présente dans toutes les situations. Invariablement, quelle que soit la qualité globale des réponses.

Un phénomène souvent ignoré des évaluateurs

André Antibi analyse ceci dans un livre publié sur ce sujet en 2003 (« La constante macabre« ) et l’appelle ainsi car les enseignants notent toujours, en mettant un certain pourcentage de mauvaises notes. Ceci souvent sans en avoir conscience, comme sous la pression de la société.

Cette analyse ne sous-entend pas que les enseignants évaluateurs sont dans une démarche de sanction volontaire. Au-delà de leur action, c’est toute la société qui contribue à ce système. Un enseignant qui donne de bons résultats systématiques à ses élèves peut être considéré comme donnant des contrôles trop faciles. L’école, les parents, les enfants même sont habitués ainsi et peuvent aussi alimenter ce système.

Poids excessif de l’évaluation sur l’estime de soi

La logique ici est de sélectionner les bons éléments par l’échec des autres.

La conséquence n’est pas tant de mettre en valeur les élèves en réussite que de décourager et surtout d’exclure les autres.

Cette manière de faire est prégnante dans le système scolaire français, mais aussi belge, africain francophone.

Une condamnation à échouer pour certains

Les notes se répartissent en résonance avec la courbe de Gauss : beaucoup de notes moyennes et aux extrémités, quelques très bonnes ou très mauvaises notes. 10% de notes excellentes se détachent, avec des résultats au-dessus de la norme, et 10% échouent.

L’analyse soulève qu’il n’y a pas forcément de corrélation entre le niveau de compétence des élèves et les objectifs de connaissance.

La moyenne n’est pas fixée par rapport à l’ensemble minimal de connaissances à avoir sur un sujet mais sur les niveaux relatifs des élèves. Le but semble être de dégager des groupes de niveaux.

Cette façon d’évaluer n’est pas réservée aux filières prestigieuses, mais à tous les niveaux de l’éducation.

Cela nourrit une sélection sociale, par rapport aux autres élèves d’une classe et non par rapport au niveau de connaissances souhaité.

Construire une évaluation intelligente, quelles solutions ?

André Antibi souhaite remplacer la notation sanction par un temps d’échange avec l’élève. Vérifier où l’enfant en est dans son apprentissage pour savoir, de manière individuelle comment continuer à l’accompagner. Cette logique est le contraire des années de redoublement. Re-doubler, derrière ce terme est mise en avant l’idée de refaire la même chose. Donc, cela conduit à penser qu’en refaisant les choses de la même manière, on peut les rater de la même manière. Alors qu’il faudrait axer sur le fait de procéder différemment. Le but est d’analyser ce qui n’a pas fonctionné et de le reprendre sous un autre angle. Après avoir déterminé ce qui est la base connue, s’y appuyer pour poursuivre les apprentissages.

André Antibi revendique aussi de mettre en place des contrats de confiance entre l’élève et les adultes. Dans ces contrats, les évaluations doivent être prévues plutôt que surprises. Les élèves doivent pouvoir se référer à une liste de questions, fournies à l’avance pour éviter tout stress. L’élève doit dévoiler ses compétences et ne pas faire une performance.

Le but est de ne plus assimiler examens et évaluation, mais d’axer sur le niveau de compétence.

Les examens sont générateurs de stress, non seulement pour les élèves mais aussi pour leurs parents. Ils deviennent alors un moment où la réussite est liée à la facilité, ou non, de l’enfant à gérer en fait le stress face à l’examen.

Retrouver le plaisir d’apprendre

Les travaux autour de la constante macabre conduisent à réfléchir à l’évaluation et déconstruire son fonctionnement en mettant en lumière ses conséquences.

La dureté des résultats pouvant conduire certains élèves à se déclarer nul en maths suite à une mauvaise évaluation et peut-être même nul à l’école . Derrière ce nul à l’école peut vite se dessiner le nul en tout pour un enfant qui, dans le système, passe ses journées en classe.

Avoir conscience de ces mécanismes pour les déconstruire permet de focaliser le système non pas sur la sanction mais sur la place laissée à la possible non-réussite et plus que tout au plaisir d’apprendre pour tous, sans pression et compétition.

L’école peut être pensée autour de parcours de compétences, plutôt que de trajectoires excluantes. L’objectif est que l’enfant ait confiance en l’adulte qui le valorise régulièrement, donc en l’institution et dans la suite logique, durablement, en lui.

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